Pierre CHAILLET(mouvement "Témoignage Chrétien", COSOR) 1900-1972 Pierre Chaillet (Photographie extraite de © Bédarida (Renée), Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Fayard, 1988, DR) |
Né en 1900 dans une famille très religieuse de paysans du Doubs, Pierre Chaillet entame en 1918 des études au grand séminaire de Besançon. Désireux de devenir jésuite il part à Lyon - où est installée au pied de la colline de Fourvière la Compagnie de Jésus - poursuivre ses études de théologie, qu'il complète par des études littéraires à la faculté de Grenoble (latin, grec, philologie). Nommé en 1929 professeur au collège Notre-Dame d'Afrique, Pierre Chaillet s'embarque pour Alger ; il y découvre la colonisation, à l'égard de laquelle il est à la fois admiratif et critique. Ordonné prêtre en 1931, il est régulièrement envoyé en Autriche, en Allemagne, en Italie, ainsi que dans quelques pays d'Europe centrale, pour y prolonger ses études. Durant les années 1930, par ses nombreux séjours en Allemagne, où il approfondit ses recherches sur la théologie allemande, et en Autriche, il est témoin de la montée du nazisme et du danger que représente cette idéologie pour le christianisme. La connaissance du sort réservé aux catholiques autrichiens, et de la persécution religieuse dont ils sont les victimes, l'amène à publier en 1939 un livre " L'Autriche souffrante " dans lequel il dénonce les persécutions contre les catholiques, les persécutions antisémites, ainsi que le régime de terreur qui sévit depuis l'Anschluss*. D'une vie qui, jusqu'en 1938-1939 était plutôt consacrée à la recherche et à la réflexion, Pierre Chaillet en modifie peu à peu le cours et s'engage entièrement dans l'action. Il se charge d'organiser à Lyon des actions de secours et d'aide caritative aux victimes du nazisme, réfugiés chrétiens ou juifs ayant fui l'Allemagne et l'Autriche. A la déclaration de guerre en septembre 1939, Pierre Chaillet propose ses services au 5° Bureau de l'état major de l'armée, chargé du renseignement ; il est envoyé en mission en Hongrie, pour établir des rapports sur la situation de ce pays. Cependant, il y est surveillé par la Gestapo*, très au fait de ses prises de position contre le nazisme. C'est en Hongrie qu'il apprend la défaite de la France, qu'il n'accepte pas, autant par patriotisme que par conviction antinazie. De retour en France le 28 décembre 1940, Pierre Chaillet reprend ses cours à la faculté de théologie de Lyon, et commence à prendre contact avec quelques chrétiens hostiles au régime de Vichy, à la Révolution nationale et au nazisme. Dans la continuité de ses engagements d'avant-guerre et pour défendre les valeurs chrétiennes, face au nazisme et à la collaboration, il cherche à éveiller les consciences par les moyens dont il dispose : l'opinion et l'action caritative. Début mai 1941 il rencontre Henri Frenay qui lui propose de rédiger pour sa feuille clandestine Les Petites Ailes, puis pour Vérités, une chronique religieuse. Sous le pseudonyme de Testis, le père jésuite, dénonçant l'idéologie nazie, appelle à la " résistance spirituelle ". Parallèlement à la rédaction de cette chronique, il poursuit ses activités humanitaires au sein d'un " Comité de coordination pour l'assistance dans les camps " qui devient en 1941 " L'Amitié chrétienne ", et dont il assume la direction. Cette organisation, semi-clandestine, prend en charge au grand jour l'aide aux réfugiés, et organise clandestinement dès 1942 des filières d'évasion ou d'hébergement des personnes persécutées (enfants juifs, résistants), et participe à la fabrication de faux-papiers. Lorsque cessent de paraître les feuilles clandestines d'Henri Frenay, remplacées par le journal Combat, Pierre Chaillet décide de fonder un journal clandestin spécifiquement chrétien pour mettre en garde et alerter l'opinion chrétienne des dangers du nazisme. S'entourant d'une équipe de militants catholiques, le père jésuite fait imprimer et diffuser le 16 novembre 1941 la première brochure de ce qui devait s'intituler " Cahiers du Témoignage catholique ". Soucieux d'y associer les protestants, par oecuménisme, le journal prendra pour nom : Cahiers du Témoignage chrétien. Le premier cahier, diffusé à 5000 exemplaires, entièrement rédigé par un autre jésuite, Gaston Fessard, s'intitule : " France, prends garde de perdre ton âme ". Il est composé de documents commentés sur le nazisme et la situation des chrétiens en Allemagne et en Autriche, accompagnés de réflexions doctrinales. Chaque " Cahier " répond aux situations et donne des clés de lecture du temps présent. Ainsi face aux persécutions antisémites et aux rafles de l'année 1942, trois cahiers sont publiés qui les dénoncent : Les Racistes peints par eux-mêmes, Antisémites, Droits de l'homme et du chrétien. A partir de 1942 le cercle des rédacteurs, jusqu'à présent limité aux jésuites, s'élargit à des laïcs (les philosophes André Mandouze Joseph Hours ou Robert d'Harcourt apportent leurs contributions au journal). Du reste, afin d'atteindre un public plus large, est créé en mai 1943 le Courrier français du Témoignage chrétien, moins doctrinal et plus tourné vers l'action. Une première fois envoyé en résidence surveillé dans un hôpital psychiatrique de Privas, en Ardèche, surveillé par la Gestapo pour ses activités, Pierre Chaillet doit se réfugier en Isère pour quelque temps. Retournant régulièrement à Lyon, il est arrêté dans les locaux de l'Amitié chrétienne le 27 janvier 1943, puis libéré. Ses multiples activités clandestines le font connaître dans le monde résistant et font de lui un médiateur et un relais entre mouvements et réseaux de résistance. Lui-même appartient à deux réseaux de renseignement : Mithridate et Jade-Amicol. Par ailleurs, c'est pour son action caritative au sein de " L'Amitié chrétienne ", que les dirigeants de la Résistance, au moment de l'unification, lui confient les oeuvres sociales de la Résistance. Au sein du COSOR (Comité des oeuvres sociales de la Résistance) le père jésuite organise l'aide aux familles de résistants (femmes et enfants), arrêtés ou incarcérés. Nommé à la Libération secrétaire général adjoint au ministère de la Santé, il quitte très vite ce poste à la demande de ses supérieurs de la Compagnie de Jésus. Après la guerre, Pierre Chaillet abandonne définitivement la recherche en théologie et l'enseignement, il ne retourne plus à Lyon, et il poursuit ses multiples activités engagées dans la clandestinité ; ainsi Témoignage chrétien devient un journal libre qui aborde les grands problèmes contemporains. Abandonnant la direction du journal en 1957, encore sur ordre de ses supérieurs, il ne se consacre plus qu'au COSOR. Pierre Chaillet meurt en avril 1972. Le Mémorial Yad Vashem lui a décerné à titre posthume en 1981 la médaille des " Justes " pour sa participation au sauvetage des Juifs. Bibliographie • BEDARIDA (Renée), Pierre Chaillet. Témoin de la résistance spirituelle, Paris, Fayard, 1988. Sites Internet • autre site proposant une courte biographie du Père Chaillet, ainsi que quelques pages et documents sur le journal et le mouvement "Témoignage chrétien". |