Jacques VICO(1923-2012) Groupe Robert Ceux de la Résistance Organisation Civile et Militaire DR- Collection Jacques Vico |
Entretien réalisé par Frantz Malassis en décembre 2011 à l'occasion de la célébration du cinquantième anniversaire du CNRD: Quel a été votre parcours durant la guerre ? Né en 1923 dans le Calvados, refusant la défaite je deviens, en juillet 1940, membre du groupe Robert créé à Granville par Robert GUESDON. En octobre 1941, ce groupe étant démantelé par les Allemands, je décide alors de suivre une formation militaire et me rends en zone Sud pour m'engager dans l'Armée d'Armistice. En novembre 1942, après l'invasion de la zone Sud, je reviens à Caen où bientôt j'effectue des missions de liaison et de renseignements pour le CDLR puis pour l'OCM. Au début de 1943, je suis chargé d'aménager un dépôt d'armes dans la ferme de mes parents, à l'Abbaye d'Ardenne, près de Caen, tout en participant à l'instruction des chefs de groupe sur l'utilisation des matériels, explosifs et armement parachutés. Mon père, maire de la commune de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, combattant de la Grande guerre, appartient à l'OCM. Il est arrêté le 16 décembre 1943 puis déporté à Mauthausen. Dans la nuit qui suit son arrestation, avec l'aide de mon frère Jean-Marie et de 6 camarades, nous déménageons à dos d'homme, chez des résistants de Caen, près d'une tonne d'armes encore stockée à Ardenne. Une fois l'opération terminée, au petit matin, avec mon frère nous prenons le train pour nous réfugier à Bayeux. Recherché par la Gestapo, je change d'identité et bascule dans la clandestinité. J'erre de cache en cache, dans la Sarthe et en Eure-et-Loir. Ma sœur ainée, Jacqueline, membre du réseau Arc-en-ciel, recherchée elle aussi quitte Caen et rejoint le réseau Brutus à Paris tandis que mon frère ainé Francis, réfractaire au STO plonge dans la clandestinité. Ma mère est arrêtée par la Gestapo, le 23 décembre 1943 et restera internée à Caen, pendant plusieurs mois. Le 6 juin, j'apprends la nouvelle du Débarquement. Sans attendre je me mets en route et je retrouve mon frère Jean-Marie, nous participons aux combats de la Libération au sein de la compagnie FFI SCAMARONI. Le 8 août 1944, j'intègre le bataillon de renfort de la 2e DB, puis le 1er Régiment de marche de Spahis marocains qui participera à la bataille de Normandie et le 19 août 1944 à la fermeture de la Poche de Falaise. Puis, le 25 août, j'entre à Paris. Je participe ensuite aux campagnes des Vosges, d'Alsace et d'Allemagne. Président de l'UDCVR du Calvados et vice-président d'honneur de la Fondation de la Résistance, vous êtes un passeur de mémoire intarissable sur la résistance normande et la bataille de Normandie. Que représente pour vous le CNRD ? Comment expliquez-vous son succès auprès des jeunes ? Pour moi, le CNRD est le meilleur support de transmission d'une mémoire active, d'une mémoire vivante à destination des jeunes, de ce que fut l'Histoire de la Résistance. Ce concours unique en son genre s'appuie ainsi sur les témoignages des acteurs de cette période qui rappellent notamment l'origine de leur engagement et les valeurs qui les sous-tendaient : le refus de la défaite, le refus de l'occupation, le refus de la collaboration et la volonté d'agir en obéissant aux exigences de sa conscience afin que la France retrouve son indépendance et la démocratie. Ce concours amène également les candidats à réfléchir sur le monde d'aujourd'hui en leur faisant comprendre qu'ils appartiendront, bientôt, à une communauté civique dans laquelle ils auront un rôle actif à jouer. Les jeunes comprennent tout ce que la Résistance a apporté à la société actuelle. Après avoir écouté les témoignages des résistants, ils s'interrogent sur ce qu'ils auraient pu faire mais aussi et surtout sur la façon dont ils peuvent agir aujourd'hui pour bâtir la société de demain. Ils transposent les valeurs de la Résistance dans le monde d'aujourd'hui. C'est un formidable outil qui contribue à l'éduction civique des jeunes, loin des formes d'expression scolaires traditionnelles. Chaque année, vous préparez notamment en partenariat avec le Mémorial de Caen, de nombreux candidats. Comment est né ce partenariat ? En 1989, j'ai commencé à travailler avec le Mémorial de Caen qui, à l'époque se dénommait le Musée mémorial de la bataille de Normandie-Musée pour la Paix. Je faisais alors partie du Conseil d'administration, qui comptait deux administrateurs issus de la Résistance, et je participais donc au projet d'élaboration muséographique. Tout de suite nous avons cherché à associer cette nouvelle structure à la préparation du CNRD. Avec l'UDCVR du Calvados, nous avons constitué un comité d'organisation et d'animation du CNRD regroupant des résistants et des déportés et avec l'appui du Mémorial de Caen, qui mettait à notre disposition des locaux et des moyens techniques, nous avons organisé, dès 1990, des forums d'une journée sur le thème du Concours. La matinée, les élèves étaient répartis en environ 25 groupes de 10 qui allaient d'atelier pédagogique en atelier pédagogique où, à chaque fois, ils pouvaient dialoguer avec un ou deux témoins. L'après-midi, les élèves assistaient à une conférence-discussion à laquelle ont participé d'année en année Lucie AUBRAC, Robert MARCAULT, déporté à Auschwitz à l'âge de 12 ans, Violette JACQUET, membre de l'orchestre d'Auschwitz, Jacqueline PÉRY d'ALINCOURT, du secrétariat de Jean MOULIN, Yvette LUNDY, résistante-déportée de la Marne, Bob SHEPPARD, officier britannique du SOE... En 1993, nous avons organisé, sur le même principe, un forum à Vire qui a réuni 440 élèves, à Lisieux avec 220 élèves présents et à Caen où nous avons reçu 800 personnes dans l'amphithéâtre principal de l'Université. Maintenant, compte tenu du nombre de plus en plus limité de témoins, nous nous sommes orientés vers la solution d'intervention dans les collèges et lycées du Calvados et parfois d'autres départements plus éloignés. |