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Photographies de la manifestation patriotique du 28 mars 1941 à Marseille


Frantz MALASSIS
Photographie prise clandestinement par M. Roger Clapier
Photographie prise clandestinement par M. Roger Clapier
Photographie prise clandestinement par M. Roger ClapierPhotographie prise clandestinement par M. Roger ClapierPhotographie prise clandestinement par M. Roger ClapierPhotographie prise clandestinement par M. Roger ClapierPhotographie prise clandestinement par M. Roger Clapier

Le 25 mars 1941, la Yougoslavie contrainte et forcée signe le pacte tripartite et rejoins l'Axe. Deux jours plus tard, un coup d'état militaire renverse la situation, le régent Paul est remplacé par le jeune Pierre II et  le général Simovitch se voit confier le gouvernement favorable aux intérêts alliés. Le 28, dans tout le pays des manifestations hostiles aux Allemands et aux Italiens se multiplient.En signe de soutien au roi Pierre II de Yougoslavie, des étudiants et lycéens marseillais décident d'organiser une manifestation hostile à l'Axe, la première du genre à Marseille. À cette occasion, un étudiant M. Roger Clapier, l'un des organisateurs de cette manifestation eut l'idée de prendre des photographies. Grâce à lui nous pouvons publier ces clichés inédits et retracer leur histoire.

 

Dès la rentrée universitaire 1940-1941, spontanément un petit groupe d'étudiants marseillais, répondant à l'Appel du général de Gaulle, se constitue. Ils prennent l'habitude de se retrouver à l'Association générale des étudiants de Marseille pour discuter des modes d'action à mettre en oeuvre. Rapidement, ils prennent la décision de rédiger et diffuser des tracts et des papillons patriotiques qui bientôt fleurissent sur les portes d'immeubles et les panneaux de signalisation de la cité phocéenne (1).

Le 27 mars 1941, inspiré par la manifestation des étudiants du 11 novembre 1940 à Paris et face aux événements yougoslaves, ce groupe informel décide de " faire quelque chose " et l'idée d'organiser une manifestation sur la voie publique, en soutien au roi Pierre II de Yougoslavie, voit le jour, d'autant plus qu'existe à Marseille un monument à la mémoire d'Alexandre Ier de Yougoslavie et que la ville a toujours eu des relations particulières avec les Balkans (2).

Rappelons, en effet, que le 9 octobre 1934, Alexandre Ier de Yougoslavie a été assassiné par un Oustachi, place de la Bourse (actuellement place Charles de Gaulle) lors d'une visite officielle en France ainsi que Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères, venu l'accueillir à Marseille. Une plaque de bronze a été rapidement inaugurée pour indiquer l'endroit de cet attentat tandis qu'un monument plus imposant a été érigé dans les jardins de la préfecture à l'angle de la rue de Rome et du boulevard Salvator.

La décision de fleurir ce monument et cette plaque est prise par ce groupe d'étudiants tout comme le fait d'y associer les lycéens et les collégiens et de la ville.

Roger Clapier se souvient que le 28 mars : " par quatre ou cinq nous sommes allé fleurir le monument. Mais auparavant, nous avions eu soin de "truffer" nos bouquets de tracts et papillons anti-allemands. Le lendemain, en constatant que ces gerbes contenaient des tracts, les forces de l'ordre ont procéder à leur enlèvement pour les déposer devant le monument dédié aux Mobiles de 1870 après avoir pris soin de retirer toute notre littérature !". Effectivement, la police dont on identifie les agents sur certains clichés ne réprime pas la manifestation et n'intervient que pour assurer la circulation et canaliser la foule des manifestants, " car très rapidement de nombreux marseillais se sont joint à nous " précise M. Clapier.

Cette première manifestation de rue, ensuite propagée par Radio Londres, traduit en fait la volonté de la résistance marseillaise de marquer l'opinion publique (3) au moment où commence a se ressentir une désaffection du régime de Vichy.

Frantz Malassis

 

(1) Résistant dès octobre 1940, Roger Clapier est arrêté par la police française le 15 mai 1941 pour avoir collé un tract sur un poteau à l'angle de la rue Isoard et du boulevard de la Madeleine (actuellement boulevard de la Libération). Libéré sans avoir parlé après 48 heures d'interrogatoire musclé, il poursuit son activité notamment dans la confection de faux papiers et la collecte de renseignements portuaires. Chef adjoint du réseau OSS Abbé Blanc, recherché en juillet 1944 par la Gestapo, il se réfugie à Saint-Andiol. Responsable de l'Armée Secrète pour le secteur au sud de la Durance (Noves, Saint-Andiol, Verquières, Cabanes, Cavaillon, Orgon), il participe à la sécurisation et à la libération du secteur. Dès son retour à Marseille, en septembre 1944, il est nommé au cabinet de Raymond Aubrac, commissaire de la République, où il est chargé des affaires juridiques.

(2). Pendant la Grande Guerre, tous les départs de troupes françaises vers le front d'Orient se faisaient à partir de Toulon ou Marseille.Un monument en souvenir des morts d'Orient est d'ailleurs érigé sur la Corniche.

(3) Cf. " Naissance de la Résistance à Marseille " de Robert Mencherini in Provence historique tome XLIV, fascicule 178, octobre-novembre-décembre 1994, pp 441 à 452.