Tombés du ciel. Les aviateurs abattus au-dessus du Nord-Pas-de-Calais (1940-1944)Yves Le Maner (sous la direction d') Saint-Omer, Edition La Coupole, 2008, 179 pages Les références sur les aviateurs abattus en France pendant l'occupation et leur sauvetage sont tellement rares qu'il convient de saluer cette monographie, publiée par La Coupole, le Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais. De surcroît, elle concrétise une coopération exemplaire entre des professionnels de l'histoire ou des archives et une association d' amateurs rigoureux autant que passionnés, Antiq'Air Flandre- Artois, qui se consacre depuis des années à l'étude des crashes d'aviateurs dans le Nord. L'ouvrage contient dans une première partie le catalogue d'une exposition temporaire présentée en 2007, sur un schéma simple mais qui représente une somme de travail considérable. On y trouve des statistiques sur les crashes d'aviateurs dans le Nord : répartition chronologique, géographique et selon le sort des aviateurs (mort pendant le crash, fait prisonnier, évadé). Les morts représentent 50% du total ; sur l'autre moitié, ¼ échappent à la capture grâce à l'aide de la population. Cette étude est combinée avec les histoires de dix de ces crashes - dont celle du fameux pilote britannique Douglas Bader -, reconstituées à partir de toutes les sources possibles. D'abord les archives : archives allemandes (photos des avions, avis de recherche des aviateurs..), archives de la RAF ou de l'USAF (photos, plans de vol, rapports des équipages, presse d'après-guerre...), archives françaises (photos clandestines des crashes, des enterrements, des aviateurs secourus, etc), archives familiales. Mais aussi des objets provenant de fouilles archéologiques : effets personnels des pilotes, restes d'appareils. Le tout constitue un ensemble saisissant par l'alliance de rigueur historique et de force émotionnelle qui s'en dégage. La deuxième partie du livre comporte les dix communications d'un colloque organisé à Saint-Omer en mai 2007 sur les crashes d'aviateurs. Quatre d'entre elles sont consacrées aux sources disponibles (anglaises, françaises, américaines), quatre autres constituent une synthèse sur la région (les opérations aériennes, les crashes, les sauvetages d'aviateurs et leur répression), les deux dernières abordent la législation et la méthodologie en matière de fouilles d'épaves. D'un ensemble qui ne laisse donc quasiment aucun aspect de côté, on a envie de mettre en exergue, fort subjectivement, certains textes qui nous ont beaucoup appris. D'abord celui d'Hugues Chevalier (le secrétaire d'Antiq'Air) sur « le recours aux témoignages », qui retrace avec une précision méticuleuse la manière dont la population locale a été mise à contribution dans sa reconstitution de 90% des crashes d'aviateurs dans l'Audomarois. Ensuite, le papier tout aussi minutieux du même auteur sur « la méthodologie des fouilles d'appareils abattus », qui est aussi un historique des recherches de crashes et retrace notamment l'action de Mme Germaine L'Herbier Montagnon, pour le compte de l'Etat français, entre 1940 et 1944. Enfin, les articles consacrés aux réseaux de sauvetage d'aviateurs et à leur répression par René Lesage et Laurent Thiery. Ce dernier relève une discordance intéressante entre la sévérité des juges de la Luftwaffe et les peines prononcées par l'armée de Terre, chargée du maintien de l'ordre dans la « zone rattachée », et plus soucieuse de ses rapports avec les Français. Les très nombreuses illustrations, mises en valeur par le (grand) format adopté, rendent justice à la diversité extraordinaire de la documentation et contribuent à la réussite de l'ouvrage. Bruno Leroux |