Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire
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Palmarès 2008-2009 - Photographies et commentaires
En 1998, le Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire est né du constat que de nombreux candidats du Concours national de la Résistance et de la Déportation étaient amenés à prendre des photographies de lieux de Mémoire lors de visites préparatoires sans qu'elles soient systématiquement valorisées dans ce cadre.
L'idée de ce concours était donc d'offrir aux élèves la possibilité d'exprimer leur sensibilité aux aspects artistiques et architecturaux des lieux de Mémoire relatifs à la Résistance intérieure et extérieure, à l'internement et à la Déportation situés en France ou à l'étranger au travers de la technique photographique.
Depuis lors, les Fondations de la Résistance, pour la Mémoire de la Déportation et Charles de Gaulle organisent chaque année, après les résultats du Concours national de la Résistance et de la Déportation, le concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire.
Réuni le mercredi 21 octobre dernier au 30 boulevard des Invalides (Paris VIIe), le jury présidé, pour cette onzième édition, par Yves Lescure, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, avait à choisir entre 62 photographies présentées par 48 candidats (1).
Au terme d'un examen minutieux des réalisations et de nombreux échanges entre les membres du jury (2), Yves Lescure a proclamé le palmarès du concours 2008-2009, tout en soulignant que la qualité artistique des oeuvres reçues ne peut qu'inciter à promouvoir plus largement ce concours. À ce titre, il faut rappeler le soutien précieux apporté par l'Association des professeurs d'Histoire Géographie (APHG) et plus particulièrement celle de son secrétaire général adjoint Hubert Tison qui par le biais de la revue Historiens et Géographes, dont il est le rédacteur en chef, a diffusé auprès des enseignants du secondaire les informations concernant ce concours (règlement, palmarès).
Les heureux lauréats recevront leurs récompenses dans le courant du mois de janvier (livres, CD-roms...).
(1) Ce concours a concerné 16 collégiens et 31 lycéens (36 filles et 12 garçons) de 17 établissements scolaires (6 lycées et 10 collèges).
Les 16 départements d'origine des travaux, dont on a fait figurer entre parenthèses le nombre de candidats pour chacun d'entre eux sont : l'Ain (4), l'Ardèche (1), la Drôme (1), le Gard (1), le Gers (1), la Gironde (2), l'Isère (1), le Loir-et-Cher (1), la Loire (1), la Loire-Atlantique (23), le Morbihan (1), la Moselle (1), Paris (1), la Seine-Maritime (1), le Var (4) et l'Essonne (2).
Précisons qu'un candidat hors concours (absence de fiche d'inscription et d'autorisation parentale comme le prévoit l'article 4 du règlement) n'avait pas mentionné ni le nom de son établissement, ni même son niveau de scolarité.
(2) Les membres de ce jury sont : Christine Levisse-Touzé, directeur du Mémorial du Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris - Musée Jean Moulin ; François Archambault, président de MER, secrétaire général de la Fondation de la Résistance ; Marc Fineltin, administrateur de MER en charge de " memoresist.org "; Yves Lescure, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ; Frantz Malassis, responsable archives et documentation à la Fondation de la Résistance ; Jacques Moalic, résistant-déporté ; Jacques Ostier, conseiller en illustration; Alain Plantey, ambassadeur, membre de l'Institut de France, membre du conseil d'administration de la Fondation Charles de Gaulle, Dany Tétot, président de l'Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ; Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l'Ordre de la Libération et le lauréat du concours précédent.
(3) livre d'Alain Vincenot paru aux éditions des Syrtes (Paris) en 2005.
Les lieux de mémoire photographiés en 2008-2009
Sur l'ensemble des 62 photographies présentées cette année, 35 (soit 56%) ont été prises dans 9 départements français et 27 à l'étranger dont la quasi totalité proviennent des camps d'Auschwitz représentant plus de 38% de l'ensemble des réalisations d'élèves.
En France :
- Ain : la maison d'Izieu (6).
- Calvados : le cimetière américain de Colleville-sur-Mer (2).
- Drôme : monument " la Drôme debout " (1) ; Monument aux morts de Nyons (1).
- Isère : plaque commémorative de la rafle de Voiron (1).
- Gard : stèle aux martyrs de la Résistance à Pont-Saint-Esprit (2).
- Morbihan : bunker de la presqu'île de Quiberon (1).
- Bas-Rhin : le camp de concentration de Natzweiler-Struthof (10).
- Paris : le mémorial de la Shoah (2) ; Mémorial de la rafle du Vel d'Hiv (1).
- Var : le cimetière américain de Draguignan (8).
À l'étranger :
- Allemagne : le mémorial de l'Holocauste à Berlin (1).
- Tchéquie : le camp de Terezín (2).
- Pologne : les camps d'Auschwitz (24)
Les chiffres entre parenthèses correspondent au nombre de photographies pour le lieu concerné.
Le premier prix a été décerné à Thibault TEZENAS du MONTCEL, élève de première S au lycée Jean Moulin à Draguignan (Var) pour sa photographie prise au cimetière américain et mémorial du Rhône de Draguignan qui honore la mémoire des soldats de la VIIe Armée américaine tombés dans la région du Muy lors du débarquement de Provence.
Un commentaire expliquant sa démarche était joint :
" Une croix au cimetière américain de Draguignan. Les deux drapeaux américains et français au pied de la croix du soldat H.E. Lovelle symbolisent la mémoire de l'union des deux nations dans la lutte pour la libération du territoire et contre la barbarie nazie.
Quand on regarde cette photographie, une question nous vient tout naturellement à l'esprit : qui est cet homme enterré avec tant d'autres dans un cimetière américain du sud de la France ? Que fait-il là et pourquoi sa croix a-t-elle été choisie pour représenter les autres ?
Cet homme, c'est Harry E. Lovelle, un soldat américain de la Seconde Guerre mondiale, un aviateur. S'il est enterré ici, c'est parce qu'il est mort au combat le 25 Mai 1944, après une mission de sabotage réussie en vallée du Rhône, son avion le " Lucky Lady " est abattu par les avions allemands : il s'écrase près d'Agay. Durant la guerre, son corps a été rapatrié dans ce cimetière avec près d'un millier d'autres -861 exactement- et nous permet aujourd'hui d'ouvrir des réflexions ou tout simplement un souvenir.
Et justement, dans notre mémoire collective, ces combattants devraient être rapprochés des résistants car leurs combats et leurs actions étaient identiques : sabotage de points importants dans le territoire, même allemand, tels que des ponts, des tunnels ; destructions des usines de munition. Surtout, il se battait pour les mêmes valeurs, valeurs qui forment aujourd'hui notre devise nationale : liberté, égalité et fraternité. On se rend alors bien compte que ce combat a forgé notre démocratie, raison pour laquelle tout citoyen se doit de s'en rappeler et de l'analyser.
Si je l'ai choisi lui plutôt que l'un des autres, c'est parce que ce combattant symbolise à lui seul le rapprochement que cette guerre a fait naître entre les États-Unis et la France. En effet, son rôle durant cette guerre équivalait à celui d'un résistant. Sa sépulture est en France mais dans un territoire offert aux Etats-Unis, et il a de plus une pierre tombale érigée à son nom à Iowa dans l'Illinois, son État d'origine. C'est justement ce rapprochement entre les deux États qui est illustré par les drapeaux français et américain installés pour le Memorial Day (le jour de la mémoire aux États-Unis) et qui se chevauchent symboliquement.
La sépulture de ce soldat représente donc l'alliance entre deux pays et le combat qu'ils ont dû fournir ensemble pour arriver à vivre libres et en paix, elle nous permet de nous souvenir et de mesurer notre passé commun et ses conséquences présentes dans notre vie citoyenne. "
Le deuxième prix est revenu à Guillaume VOGEL, élève de troisième au collège Jean Jaurès à Sarreguemines (Moselle) pour son cliché pris au mémorial de l'Holocauste à Berlin (Allemagne).
Ce candidat l'avait accompagné d'un poème traduisant son émotion.
" Un, deux, trois...
Mais combien y'en a-t-il ?
Et ces passants qui montrent du doigt
Ces dalles qui, à leurs yeux, sont une famille
Ces couloirs entre les dalles qui descendent
Font penser à la descente aux enfers
À la terreur errante
Et à la mémoire de ce qu'ils ont soufferts
Ce lieu de mémoire
Pierres érigées de l'Holocauste
Donne voix au sang, à la peur,
À l'horreur des juifs martyrisés
Aujourd'hui encore et demain... "
Le troisième prix a été attribué à Nina PAVLOVIC, élève de première S au lycée Molière à Paris (XVIe) pour sa photographie du mémorial de la rafle du Vel d'Hiv à Paris (XVe) intitulée " Raconte-moi ".
Cette candidate avait accompagné a photographie de réflexions que lui inspira ce monument :
" Grouleleng, jeune fille de 17 ans, déiste, venant du Togo, se retrouve face à une petite fille inconnue, juive. Cette image d'une rencontre entre deux générations, deux croyances et deux passés différents invite à une réflexion sur le sort d'enfants innocents lors des guerres. Que sépare Grouleleng de ce destin ? L'époque dans laquelle elle vit et sa naissance dans une catégorie acceptée. Le "pourquoi pas moi ? " est omniprésent dans les esprits. Élève participant au Relais de la Mémoire Junior elle s'ouvre au dialogue avec ceux qui, quand ils avaient son âge, se sont retrouvés à lutter pour vivre dans les camps de concentration. Aujourd'hui à l'aide d'un poème que nous avons rédigé elle demande à cette petite fille son histoire, car nous sommes tous sujet à ce destin, d'où la volonté de regarder le passé pour construire le futur.
Moi je suis née
Dans un monde où règne la paix,
Je veux connaître ton passé
Pour l'empêcher de se répéter
Et construire le futur à l'aide de ce qui est arrivé
De tes parents éloignés,
Sans comprendre tu fus raflée
Tu fus alors blessée.
Mais ne cherchant pas à te réfugier,
Comme une mère tu aidas les nouveaux nés.
Là-bas, tu fus déportée.
Ton destin était déjà tracé.
Dans une chambre on t'a emmené
Et ta vie à peine entamée,
Fut alors terminée.
Enfance abandonnée,
Adulte prématurée,
Tout bonheur supprimé.
Espoir enlevé,
Pour un seul crime, être né.
et comme réponse : " Si le ciel était du papier et si toutes les mers du monde étaient de l'encre, ils ne suffiraient pas pour que je vous décrive ma souffrance et tout ce qui se passe autour de moi "Chaïm, 14 ans assassiné au camp de Pustkow tiré du livre Je veux revoir maman (3).
J'aime particulièrement cette photo prise à la suite d'une visite de Paris à la recherche de mémorial dont nous avaient parlé les déportés rencontrés. Je tiens à celle-là à cause de l'échange entre Grouleleng et la petite qui n'on pas grand-chose en commun. Je pense au malheur de cette époque que jamais notre génération ne comprendra.
Mais ce que notre génération peut faire c'est écouter les survivants et transmettre leur histoire pour ne pas que ça se reproduise et nous préserver l'avenir.
La Seconde guerre mondiale et les morts durant cette période ne doivent pas être considéré comme du passé à oublier, mais comme du passé dont on se sert pour le présent d'où la photo en couleur. Le fait que Grouleleng ait 17 ans c'est un espoir pour l'avenir, un peu comme si la jeune fille lui transmettait une flamme pour le futur. De cet angle, on voit l'attention de Groulegeng, les 3 enfants, la femme enceinte, le nom du sculpteur et la phrase de mémoire. "
Une mention spéciale du jury a été décernée à Guillaume VOGEL, élève de troisième au collège Jean Jaurès à Sarreguemines (Moselle) pour sa photo prise au camp de concentration de Natzweiler-Struthof.
Un poème complétant son travail était joint :
" La potence
L'ultime étape du martyr
Le noeud coulant
Sectionnant la voix
Des innocents
La voix des héros anonymes
Pas même le temps
D'un adieu
La potence
Pourquoi
La potence
Plus jamais. "