Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire
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Palmarès du Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire 2017-2018.
En 2018, 31 photographies ont été adressées au jury du Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire qui au terme d'un examen attentif a décerné trois prix et deux mentions à l'occasion de cette vingtième édition.
Ce concours a été lancé en 1998 par la Fondation de la Résistance dans le sillage du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) dont le thème d'alors invitait les élèves à rechercher l'histoire des lieux de Mémoire(1). L'idée initiale était de permettre aux candidats du CNRD de valoriser leurs productions photographiques prises dans ce cadre. Depuis, ce concours, le seul du genre, offre aux élèves la possibilité de photographier des lieux de mémoire relatif à la Résistance intérieure et extérieure, à l'internement et à la Déportation situés en France ou à l'étranger. Par la maîtrise de la technique photographique et la rédaction d'un court texte expliquant leur démarche, les candidats expriment leur sensibilité à l'égard des aspects artistiques et architecturaux des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Son jury est composé d'iconographes, de conservateurs de musées, de journalistes et de représentants d'institutions et d'associations de mémoire et d'histoire.
En vingt ans, ce concours a permis à près de 700 collégiens, lycéens et apprentis de montrer les liens tangibles qui les unissent à cette "mémoire de pierre" et l'imaginaire qu'ils y projettent. Un grand nombre de travaux sont souvent accompagnés de textes inspirés traduisant l'émotion des élèves face aux lieux qu'ils découvrent.
Pour la session 2018 du Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire, les Fondations de la Résistance, pour la Mémoire de la Déportation et Charles de Gaulle ont reçu 31 photographies(2) qui ont été soumises au jury du concours le jeudi 8 novembre dernier. Cette année, les membres du jury (3) ont examiné en majorité des clichés pris à Oradour-sur-Glane et à Auschwitz dans le cadre de projets pédagogiques sur la Seconde Guerre mondiale, preuve que ce concours est investi par la communauté éducative dans des projets ambitieux pour faire découvrir la période de manière différentes à des élèves d'horizons variés. Au terme de nombreux échanges entre les membres du jury, le palmarès du concours 2017-2018 a été proclamé.
La qualité de certaines oeuvres reçues incite le jury à promouvoir ce concours. D'ores et déjà, nous avons pu compter sur le soutien précieux apporté par la Direction des Patrimoines, de la Mémoire, et des Archives (DPMA-ministère des Armées), qui a largement communiqué sur ses différents sites en ligne et a diffusé auprès des enseignants du secondaire les informations le concernant(4). Dans ce même soucis de communication, la DPMA a publié dans Les chemins de la Mémoire n°262 d'avril-mai 2018 un cahier central détachable mettant en valeur les réalisations des lauréats 2016-2017.
Frantz Malassis
(1) Le thème 1998-1999 était : " Des plaques, des stèles, des monuments évoquent le souvenir des actions de résistance et la mémoire des victimes des persécutions et des répressions de la période 1940 à 1945. Recherchez et commentez l'histoire de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants ".
(2) 31 candidats ont participé à ce concours : 9 collégiens et 22 lycéens dont 16 en BAC Pro (13 filles et 18 garçons) issus de 10 établissements scolaires (4 lycées généraux, 2 Centres de Formation d'Apprentis de l'Industrie et 4 collèges) originaires de 10 départements. Sur les 31 travaux, 25 ont été pris dans 6 départements français et 6 à l'étranger dont 5 à Auschwitz.
(3) Les membres de ce jury sont : Aleth Briat, de l'Association des professeurs d'Histoire Géographie (APHG) ; Françoise Buffet, présidente de l'Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Hélène Pradas Billaud, chef du bureau des actions pédagogiques et de l'information à la Direction des Patrimoines, de la Mémoire, et des Archives (DPMA- ministère de la Défense) ; Yves Lescure, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ; Frantz Malassis, chef du département documentation et publications à la Fondation de la Résistance ; Jacques Moalic, résistant-déporté ; Jean Novosseloff, président des Amis de la Fondation de la Résistance - Mémoire et Espoirs de la Résistance ; Jacques Ostier, conseiller en illustration; Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l'Ordre de la Libération, un représentant de la Fondation Charles de Gaulle ; un représentant du musée du général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris - musée Jean Moulin (ville de Paris) et le lauréat du concours précédent.
(4) Le règlement et la composition du jury de ce concours sont consultables sur le site de la Fondation de la Résistance grâce à ce lien : http://www.fondationresistance.org/pages/action_pedag/reglement_p.htm.
Les lieux de mémoire photographiés en 2017-2018
Sur l'ensemble des 31 photographies présentées cette année, 25 (soit 80,65%) ont été prises dans 6 départements français et 6 à l'étranger (soit 19,35 %).
En France :
- Aude : l'ancienne usine à Mortolieu (1).
- Calvados : le cimetière américain de Colleville-sur-Mer (1), plage d'Omaha (1).
- Indre : le monument aux morts à Azai-le-Ferron en l'honneur des onze maquisards tombés les 23 et 24 juillet 1944 (1).
- Isère : le hameau de Valchevrière, commune Villard-de-Lans, dans le Vercors (1), le monument aux morts du col du Fau, Monestier de Clermont en hommage aux onze otages de la commune de Vif exécutés le 20 juillet 1944 par les Allemands (1).
- Jura : le monument à la gloire de la résistance jurassienne à Lons-le-Saunier (1), le monument à la mémoire en hommage de Jean-Paul Guyot dans les Bois de Pannessières (1).
- Haute-Vienne : le village martyr d'Oradour-sur-Glane (17).
A l'étranger :
- Autriche : centre de mise à mort d'Hartheim (1).
- Pologne : le camp et le musée d'Auschwitz I (1), le camp d'Auschwitz-Birkenau (4).
Les chiffres entre parenthèses correspondent au nombre de photographies pour le lieu concerné.
Le premier prix a été décerné à Élise ROUZIÉ, élève de première scientifique au lycée Barral de Castres (Tarn) pour son cliché intitulé " Passages " réalisé au centre de mise à mort d'Hartheim, en Autriche, dans le cadre d'un voyage d'études.
Cette candidate a accompagné sa création de réflexions sur ce lieu de mémoire et plus généralement sur son rapport à l'histoire.
" J'ai choisi de photographier le centre de mise à mort d'Hartheim qui m'a énormément touchée, notamment cette salle tapissée des noms de tous ces hommes, femmes, enfants, vieillards, souvent handicapés, qui y ont perdu la vie. J'ai placé mon appareil derrière ces inscriptions, me permettant ainsi de découvrir symboliquement une autre face de l'histoire.
Le cliché est divisé en 3 lignes ascendantes nimbées de douces couleurs ocre, représentant une explosion de vie. Derrière chaque lettre, ce sont des pensées, des joies, des émotions que j'ai voulu faire passer qui s'inscrivent à leur tour dans cette infinie matière qu'est le silence. La partie centrale dévoile une silhouette, prise dans le hasard d'un regard. Légèrement floutée par la paroi de verre, elle est anonyme, représentation universelle des disparus et du passant.
Elle vient illustrer ainsi un fil infini tissé dans le coeur même de la mémoire, rattachant le visiteur à l'histoire, à un cercle infini de transmission dont il fait lui-même partie. Un passage. La silhouette, entièrement recouverte par les noms, possède donc une signification polysémique de l'image.
à l'avant, les mots s'alignent, tels des barreaux. Leur point de fuite est unique au travers de l'ombre : la lumière éblouissant l'arrière-plan laisse s'enfuir un véritable message d'espoir. à droite, le rectangle noir est un espace auquel nous n'avons pas accès : le vécu. L'oublier serait oublier une partie de l'histoire : celle que l'on ne peut pas imaginer. Il était donc important qu'il figure sur cette photographie, pour qu'à jamais, la mémoire des anciens ne se perde et que les erreurs de notre passé ne se transforment pas en celles de notre présent. Les mots, l'art, devenant ainsi un passage entre nous et la mémoire. Un déporté nous a transmis que le printemps refleurirait. Aujourd'hui, c'est à nous, grâce à l'art, à l'histoire, de l'empêcher de faner.
"Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs" Montaigne.
Le deuxième prix est revenu à Manon RIVET, élève de troisième à la cité scolaire Le Mont Châtelet de Varzy (Nièvre) pour sa photographie prise du camp d'Auschwitz-Birkenau, le jeudi 29 mars 2018, dans le cadre d'un voyage scolaire en Pologne.
Ce candidat a fourni des éléments de compréhension de sa démarche artistique guidant la réalisation de sa photographie.
J'ai toujours été fascinée par le pouvoir de la photographie, ce qu'elle peut dégager comme sentiment fort. En découvrant ces photos on peut voir des personnes heureuses dans l'ignorance de leur funeste avenir. J'ai choisi de capturer cette photographie en noir et blanc, effet vista qui donne un effet intemporel et que les erreurs du passé ne doivent pas être reproduites dans le futur. Cet effet montre également la nostalgie et l'émotion profonde que dégage cette photographie.
Ces photographies traduisent le bonheur d'un temps passé, que les déportés ont dû amener avec eux pour leur donner un espoir, soit de retrouver un être aimé, soit de se rattacher à des êtres qu'ils ont aimés. Ces photos représentent des personnes de tous âges et nous font comprendre que même les plus petits, les plus innocents ne sont pas épargnés, alors qu'ils n'étaient pas une menace pour le REICH.
Devant ces photos, je me suis retrouvée devant ce qui était pour moi les déportés ou alors leurs familles ce qui a donné encore plus d'ampleur à mon effroi devant ce génocide. Ces photographies représentent tous les destins brisés d'une plus grande folie meurtrière du siècle passé.
Le troisième prix a été attribué à Steve GODET, élève de première Bac Pro maintenance des équipements industriels (MEI) au Centre de Formation d'Apprentis de l'Industrie (CFAI) d'Amboise (Indre-et-Loire) pour sa création, " Le temps qui passe ", prise à l'intérieur de l'église d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne).
Cet élève a accompagné sa création d'un texte traduisant son émotion dans ce lieu de massacre.
J'ai choisi cette photo car elle m'évoque le temps qui passe. Un objet, posé là, avec son vécu a toujours une histoire à raconter. On s'imagine dans cette église, avec cette tête de nourrisson forgé dans cette barrière, lors d'un baptême, une famille heureuse, une vie normale, qui à chaque moment peut basculer. Ce renversement a été vécu à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944, une petite ville, tranquille, en Nouvelle Aquitain
Ce 10 juin n'allait pas être comme les autres. Un groupement de SS a attaqué le villag
La vie si paisible s'est transformée en horreur. La vie s'est arrêtée, comme celle des objets, c'est pour cela que j'ai voulu mettre en évidence, un objet qui a pour moi une histoire touchant
J'ai cadré cette photo afin qu'on puisse voir en premier plan la tête de nourrisson. De cette manière, cela nous laisse imaginer ce qui a pu se passer dans cette église
Le noir et blanc nous laisse voir la lumière du soleil entrant dans cette église signifiant qu'un nouveau jour commence et que la vie continue malgré une telle tragédie. C'est pour cela que les objets sont là, pour nous rappeler que ce lieu à eu une histoire dramatique et qu'il ne faut pas oublier ce qui s'est passé.
Deux mentions spéciales du jury ont été décernées à :
Clara DOMINOT, élève de troisième à la cité scolaire Le Mont Châtelet de Varzy (Nièvre) pour son regard porté sur le musée d'Auschwitz.
Voici son texte d'accompagnement :
J'ai choisi cette photo car je la trouve très touchante. Voir cette valise avec ce nom et les dates de naissances montrent la cruauté de ce qui s'est passé. Ce noir et blanc fait un contraste et donne un côté plus tragique. "La fin de l'espoir est le commencement de la mort". Cette citation de Charles de Gaulle illustre parfaitement cette photo, ces valises sont le commencement du chaos et de la mort. Cette photo, je l'ai prise au camp d'Auschwitz. Dans ces valises, les juifs mettaient toute leur vie ou le plus important de leur vie, mais on leur prenait. C'est comme si on leur enlevait la vie. Leur voyage était sans avenir et devient alors sans souvenirs car tout a été volé, pillé, détruit, oublié.
Dans toutes ses valises, il y en avait une qui m'avait interpelée. Elle avait le nom de M. Weiss et j'ai un ami aujourd'hui qui s'appelle comme cela. C'est comme voir mon ami mourir devant mes yeux cela m'a vraiment touché. C'est un voyage sans retour.
Anthony SERREAU, élève de première Bac Pro technicien outilleur au Centre de Formation d'Apprentis de l'Industrie (CFAI) de la Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) pour son cliché intitulé " Dernier arrêt " pris dans la rue principale d'Oradour-sur-Glane.
Voici son commentaire personnel :
Cette photo a été prise à Oradour-sur-Glane dans la Haute-Vienne dans l'avenue principale de cette ville.
La technique de cette prise photo est déjà de s'abaisser au niveau du sol pour donner un effet de premier plan bien présent et cela donne aussi un effet de profondeur vers la forge Beaulieu, là où plusieurs personnes ont été rassemblées et abattues.
Dans le premier plan, j'ai voulu montrer le trajet du tramway qui se dirige vers le centre de la ville où tous les habitants ont été rassemblés il y a 74 ans.
Les rails du tramway sont plus éclairés que le fond de la photo car je voulais donner un effet de lumière en dehors de la ville, signe de légèreté, de liberté, ce qui n'était pas le cas de ce village à ce moment. Je me suis inspiré d'une histoire sur Oradour-sur-Glane qui a eu lieu le soir après le massacre : en fin de journée, un tramway ramenait les personnes travaillant sur Limoges sans savoir ce qui s'était passé à Oradour-sur-Glane. Un arrêt avant Oradour, un inconnu cria dans le tram : " ceux qui s'arrêtent à Oradour, veuillez descendre ! " ce qui a permis à plusieurs personnes de se sauver parmi les 642 victimes. C'est pour cela que j'ai choisi ce titre, " dernier arrêt ".
Au deuxième plan, on aperçoit les bâtiments détruits encore imprégnés d'histoire : j'ai volontairement baissé la luminosité pour donner un côté menaçant et donner une atmosphère lourde, comme l'histoire qui s'est passée. J'ai observé le panneau " cimetière " qui illustre très bien la prise photo. La rue centrale et le cimetière sont désignés dans la même direction, celle où toutes les personnes d'Oradour-sur-Glane ont été rassemblées. Au troisième plan, le ciel clair fait un contraste sur la ville martyre et exprime, pour moi, le calme après ce massacre.
Mon ressenti sur cette photo est que j'ai figé un lieu de mémoire qui a des milliers de chose à raconter et à exprimer mais aussi la violence et la haine de la Seconde Guerre mondiale. "