Concours de la meilleure photographie d'un lieu de Mémoire
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Palmarès du Concours de la meilleure photographie dun lieu de Mémoire 2014-2015.
En 2015, 36 photographies ont été adressées au jury du Concours de la meilleure photographie dun lieu de Mémoire qui a décerné trois prix et trois mentions à loccasion de cette dix-septième édition.
En 1998, le Concours de la meilleure photographie dun lieu de Mémoire est né du constat que de nombreux candidats du Concours national de la Résistance et de la Déportation prenaient des photographies de lieux de Mémoire lors de visites préparatoires sans quelles soient systématiquement valorisées dans ce cadre.
Ce concours offre donc aux élèves la possibilité dexprimer leur sensibilité aux aspects artistiques et architecturaux des lieux de Mémoire relatifs à la Résistance intérieure et extérieure, à linternement et à la Déportation situés en France ou à létranger au travers de la technique photographique.
Depuis lors, les Fondations de la Résistance, pour la Mémoire de la Déportation et Charles de Gaulle organisent, chaque année, le concours de la meilleure photographie dun lieu de Mémoire.
Réuni le jeudi 5 novembre 2015 au 30, boulevard des Invalides (Paris VIIe), le jury de cette dix-septième édition avait à choisir entre 36 photographies présentées par 36 candidats (1).
Au terme dun examen minutieux des réalisations et de nombreux échanges entre les membres du jury (2), le palmarès du concours 2014-2015 a été proclamé. Le jury a souligné que la qualité artistique des uvres reçues ne peut quinciter à promouvoir plus largement ce concours. À ce titre, il faut rappeler le soutien précieux apporté par lAssociation des professeurs dHistoire Géographie (APHG), qui par le biais de sa revue Historiens et Géographes, a diffusé auprès des enseignants du secondaire les informations concernant ce concours.
Frantz Malassis
(1) Le jury a examiné 36 photographies provenant de 36 candidats issues de 5 établissements scolaires (2 lycées et 3 collèges). On comptait parmi eux 34 collégiens et 2 lycéens (26 filles et 10 garçons). Les 5 départements dorigine des travaux dont on a fait figurer entre parenthèses le nombre de candidats pour chacun dentre eux sont : la Charente-Maritime (1), le Jura (1), la Nièvre (5), Le Haut-Rhin (1), la Seine-Saint-Denis (28).
(2) Les membres de ce jury sont : Aleth Briat, de lAssociation des professeurs dHistoire Géographie (APHG) ; Christine Levisse-Touzé, directeur du Musée du maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris - Musée Jean Moulin ; François Archambault, secrétaire général de la Fondation de la Résistance ; Serge Chupin, de lAssociation des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ; Yves Lescure, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ; Frantz Malassis, chef du département documentation et publications à la Fondation de la Résistance ; Jacques Moalic, résistant-déporté ; Jacques Ostier, conseiller en illustration; un membre du conseil dadministration de la Fondation Charles de Gaulle ; Vladimir Trouplin, conservateur du musée de lOrdre de la Libération et le lauréat du concours précédent.
Les lieux de mémoire photographiés en 2014-2015
Sur lensemble des 36 photographies présentées cette année, 16 (soit 44%) ont été prises dans 4 départements français et 20 à létranger (soit 56 %).
En France :
- Moselle : fort Queleu à Metz (1)
- Bas-Rhin : le camp de concentration de Natzweiler-Struthof (10).
- Haut-Rhin : nécropole nationale de Sigolsheim (2)
- Paris : la crypte du Mémorial de la Shoah (1), mémoriaux de la déportation au cimetière du Père Lachaise (2). À létranger :
- Allemagne : camp de Dora-Mittelbau (4), camp de Buchenwald (15).
- Pologne : monument du camp de Plaszów dans la banlieue de Cracovie (1).
Les chiffres entre parenthèses correspondent au nombre de photographies pour le lieu concerné.
Le premier prix est décerné à Romane DE OLIVEIRA, élève de troisième au collège Le Mont-Châtelet à Varzy (Nièvre) pour sa photographie prise à la nécropole nationale de Sigolsheim (Haut-Rhin). Elle commémore les combats meurtriers de la poche de Colmar du 20 janvier au 9 février 1945 durant lesquels la Première Armée Française sous les ordres du général de Lattre de Tassigny emporta la victoire. Voulue par le maréchal de Lattre et par l« Association Rhin et Danube », cette nécropole regroupe les corps de 1 589 militaires de la Première armée française « morts pour la France » dont 792 tombes de soldats musulmans.
Cette candidate a accompagné sa création de réflexions que lui inspira ce lieu :
« Au pied des marches conduisant au sommet de la colline, on voit ces tombes, séparées de part et dautre de cet escalier. Avec la personne à mes côtés, on voit nos ombres, cela me fait penser à lombre des soldats morts en ces lieux 70 années auparavant, comme si elles savançaient vers moi, vers nous.
Ces soldats ont été séparés pour des questions religieuses en ces lieux. Dun côté les chrétiens, de lautre les musulmans. Cependant, ils se battaient pour le même pays, pour les mêmes couleurs, les nôtres, pour la France.
Aujourdhui en 2015, certains souhaitent opposer les communautés, alors que finalement les mêmes idéaux sont à défendre.
Le drapeau tricolore en haut des marches constituait le chemin de ces soldats, il est le nôtre aujourdhui encore. »
Le deuxième prix est attribué à Valentin DE OLIVEIRA, élève de troisième au collège Le Mont-Châtelet à Varzy (Nièvre) pour son cliché « La photographie du paradoxe » pris lors dune visite au camp du Struthof en avril 2015.
Des éléments de compréhension de sa démarche artistique étaient joints:
« Vue du camp de concentration de Natzwiller-Struthof. Cette photo reflète un paradoxe immense. En effet, en arrière-plan on peut y trouver le paysage magnifique des Vosges avec une nature très luxuriante donnant sur les hauteurs du col du Donon.
Alors que dès le 3ème plan, lhorreur apparaît, la prison du camp à gauche et le four crématoire à droite symbolisant ce lieu de sévices, de morts, de larbitraire, de limmonde « justice » nazie qui salimentait de la haine. Le quartier cellulaire concentre aussi cette violence psychique et physique, un peu comme si les cachots montraient avec leur demi mètre carré un condensé de brutalité, dhorreurs et dinhumanité, un demi mètre carré dignominie.
Au 2ème plan, les graviers où se situaient à lépoque les baraquements des déportés. Aujourdhui, on les observe avec attention, en silence, avec respect, avec même une certaine douleur en tentant dimaginer ce qui sy tramait soixante-dix années auparavant.
Puis au 1er plan, on trouve la corde symbole de la mort. Cest finalement le symbole le plus visible de cette mort brutale et arbitraire.
La mémoire se fige en ces lieux, sinscrit dans lengagement citoyen qui est mien en tant que jeune sapeur-pompier. Ces résistants, morts, survivants, blessés, montre un chemin à suivre dans leur engagement pour les valeurs de la France, pour les valeurs dune vie que je veux défendre. »
Le troisième prix est revenu à Pierre SIMEON, élève de troisième au collège Le Mont Chatelet à Varzy (Nièvre) pour sa photographie prise au camp du Struthof.
Un commentaire présentant sa recherche créative était joint:
« Jaurais pu parler des cimetières, du seul monument pour les résistants déportés ou encore du camp en lui-même Rendre à ces lieux un sens de mémoire cest résumer dune simple pression sur un bouton "la souffrance cest cela". La mémoire de lieu, du camp du Struthof est bien difficile à appréhender. Cependant lorsque lon ma raconté que les déportés travaillaient et mouraient sur ce chemin, je savais que cétait sur le "Ravin" que mon choix devait se porter. Des camps, on a beaucoup dit, parlé, écrit. Alors je me suis dit que je devais trouver le moyen de me mettre dans la peau dun déporté qui endure mille souffrances à monter et descendre ce chemin escarpé en poussant cette brouette remplie de pierres trop lourdes. Rien quen montant cette côte lors de ma visite du camp, jétais essouflé. Alors, les déportés, afflaiblis comme jamais, tiraillés par la faim, la soif, la fatigue, rompus par la décadence psychologique des bourreaux, que pouvaient-ils bien ressentir devant cette montagne qui sérigeait devant eux ?
La peur ? Sûrement ! La crainte ? Était-elle si éloignée de la peur ? La fatigue ? Était-ce encore alors un sentiment ou un quotidien ?
Mille questions auxquelles, il est bien difficile de répondre maintenant mais qui torture lesprit, qui déforme cette mémoire dont certains ne veulent pas reconnaître le caractère essentiel quelle porte et quelle portera toujours.
Jai visité ce camp et jen garderai une trace indélébile, la volonté de porter ce témoignage pour que vive la liberté. »
Au dos de la photographie, le candidat avait ajouté des réflexions complémentaires:
« Cette [pierre] fracturée sur le bord du chemin symbolise la souffrance de tous ces déportés.
Jai choisi de faire la mise au point de mon appareil photo sur celle-ci pour illustrer lobjet de cette souffrance sous prétexte de brimade.
Jai souhaité montrer sur cette photo, que le chemin est marqué dhistoires, il sest fissuré au fil du temps et les pierres qui lont formé sont toujours présentes. Elles forment lhistoire avec un grand H, lidée dune transmission.
Larrière plan flou, suite à la mise au point sur la pierre, cest un peu la vision du déporté torturé par la fatigue, quelque chose à la fois loin et proche. Jy vois un sens de la mémoire, le fait de ne pas oublier lHistoire, mais garder en mémoire les déportés et les horreurs, pouvoir témoigner dune jeunesse, qui sest envolée dun avenir qui na pu être écrit. Le monument du résistant à larrière plan à droite sélève dans le ciel. Son côté flou, cest un peu cette mémoire quon oublie aujourdhui. Ma photo forme un témoignage, une volonté de faire front encore aujourdhui et de faire vivre la mémoire des gens qui ont tant souffert. »
Par ailleurs, trois mentions ont récompensé :
William DECATOIRE, élève de troisième au collège Louis Pasteur à Villemomble (Seine-Saint-Denis) pour une vue du crématoire du camp de Buchenwald. Voici son texte daccompagnement :
« Le 12 mars 2015, dans le camp de Buchenwald, la vue du crématoire a été bouleversante. Là sortant du brouillard. Il y a 70 ans les soldats américains ont découvert des horreurs dans ce bâtiment. Des corps décharnés entassés dans la cour, des squelettes à moitié calcinés, des cendres. Alors jai décidé de prendre lextérieur du crématoire, qui semble si calme et pourtant cache une tragédie. »
Cet élève a accompagné sa création dun poème traduisant son émotion. Une maison banale dans le brouillard,
banale
Maison où des milliers de morts sont passés,
une simple maison mais avec un lourd passé,
Un bâtiment avec son passé comme fondation.
Une cheminée où la chaleur et la fumée, la poussière des corps sen allaient,
une sombre maison qui a été leur dernière pour beaucoup trop de personnes.
Estelle SEIF, élève de troisième au collège Louis Pasteur à Villemomble (Seine-Saint-Denis) pour la représentation dune uvre exposée au musée du camp de Buchenwald. Son commentaire personnel était accompagné dun poème inspiré par cette uvre :
« Le jeudi 12 mars 2015, jai pu visiter avec mes camarades le camp de concentration de Buchenwald. Tout était impressionnant et angoissant. Jai été très frappée par cette uvre lors de la visite du musée, installé dans lancien bâtiment de lentrepôt, lancien magasin dhabillement pour les déportés qui y recevaient leur tenue rayée, leurs matricules didentification.
Il sagit dune uvre de Józef Szajna, un scénographe polonais, déporté à Auschwitz puis à Buchenwald. Ces silhouettes de déportés sont réalisées avec des photographies didentification du camp, une des preuves du système concentrationnaire nazi trouvée lors de la libération des camps. »
Ils nous étaient anonymes,
À présent, ils ne le sont plus.
Le visage des survivants, des torturés,
Victimes de tant dhorreurs,
Et pourtant, ils nont jamais abandonné. Ils nont pas perdu espoir,
Les visages des hommes et des femmes de la Résistance,
Très peu les connaissent,
Mais leur courage est respecté. Ils représentent lespoir et la solidarité,
Ils ont vaincu leurs bourreaux. À travers le chaos, ils ont vécu,
À travers le chaos, ils se sont battus,
À travers le chaos, ils ont vaincu. Ils ont vécu, ils se sont battus, ils sont morts,
Nous ne savions pas qui ils étaient,
Et aujourdhui nous mettons des visages sur des numéros.
Marie CARPENTIER, élève au lycée général et technologique Jean Michel à Lons le Saunier (Jura) pour son cliché de la crypte du mémorial de la Shoah à Paris pris dans le cadre dun voyage scolaire à Paris le 9 avril 2015. Émue par ce lieu, elle rédigea ce poème :
Il y a soixante-dix ans, votre martyr était révélé au grand jour,
Vous qui nétiez plus que des nombres recouvraient la liberté
Tandis que six millions de vos frères étaient disparus pour toujours
Mais vos souffrances et votre souvenir sont à jamais ici représentés. La tristesse et la violence se retrouvent dans lombre,
Tandis que dautres retrouvent la vie à travers la lumière,
Le souvenir des disparus dans cet enfer continue après la mort,
Il demeure présent à travers ce soleil éternel cerné de noir. Cette étoile de pierre, ce marbre froid laissent transparaître cette dureté comme cette solidité,
Cette flamme chaude, vivante, lumineuse et brillante séternise dans nos pensées,
Ces éléments montrent que le souvenir de ces victimes reste une nécessité. Dans cette pièce règnent la pénombre, le silence puis la clarté,
La douleur qui envahit mon âme rappelle la force de cet événement,
La tristesse me prend, pour ces six millions dinnocents dont plus dun million denfants. Pensons à ces absents innocents et inconnus, toujours présents dans nos esprits.
Comme le mur nous le rappelle « Regardez et voyez sil est douleur pareille à ma douleur. Jeunes et vieux, nos filles et nos fils fauchés par le glaive »